ETRETAT. Dans ce monde  » fait d’eau  » Tounéco quitte Valaine et prend  » le large  » pour de bon !

Le manteau de la nuit a enveloppé l’endroit. Doué d’une excellente vision nocturne, Tounéco n’en croit pas ses yeux, ici, c’est un balai incessant d’animaux plus ou moins impressionnants qui trottent, rampent, sautillent, volent et, pour le plupart, en poussant des petits cris. Mais quel est donc cet endroit magique qui attire tant de monde ?

Aux premières heures du jour, affamé et curieux, il sort de son refuge et veut en avoir le coeur net. Des passage s’offrent à lui entre buissons et grandes herbes, une pente douce lui donne l’impression d’entrer dans la terre mais à ciel ouvert : de l’eau ! Voilà le  » lieu magique  » de cette nuit, une mare au bout du bois, au beau milieu des champs, et cette incessante procession nocturne était le ballet régulier des animaux sauvages se rendant vers ce point d’eau. Ces  » mares tampons  » qui jonchent la campagne ont pour but principal de stocker de grandes quantités d’eau lors des orages ou à la fonte des neiges, puis de la restituer lentement en milieu naturel, limitant les éboulements et les inondations, permettant à l’eau de se décanter des particules de terre dont elle s’est chargée en ruisselant des pentes labourées et d’hydrater l’environnement proche. Jamais  » à sec « , un volume d’eau résiduel en fait aussi un point d’eau pour l’abreuvement des animaux sauvages et la vie végétale, sous forme de roseaux ou de saules s’y développe. Il en fera aussi un abri pour les insectes ! Les libellules s’y pareront de leurs plus belles couleurs métalliques si une grenouille, un triton ou une salamandre n’en font leur repas avant de devenir eux-mêmes celui d’un héron cendré. Ainsi va la vie dans la nature.

Soif, Tounéco a soif. Il se glisse vers la surface, les pattes bien au sec sur le fond pentu et se met à boire. Cette fois, pas de risque de plongeon impromptu. En même temps, il ressent comme une présence près de lui, ami ou ennemi ? Mine de rien, tout en buvant de grandes gorgées fraîches, il scrute autour de lui… Cà bouge, là à quelques centimètres. Il bondit, son sang ne fait qu’un tour ! Une sorte de tuyau marron et brillant, avec des yeaux ronds hypnotisants, une langue agile et fourchue glisse vers lui en se tortillant. C’est une couleuvre à collier, un beau mâle de près de deux mètres. Pour lui, c’est une vison d’horreur, il prend ses pattes à son cou et fonce après une cabriole digne de sa race (caprin) droit dans les herbes. Le terrain se fait de plus en plus pentu, il n’arrive pas à ralentir sa course. Il s’en amuserait presque lorsqu’une petite levée de terre, invisible dans les grandes herbes, le propulse dans les airs. Il retombe lourdement sur le dos, lui qui se croyait passé maître en  » agility  » et voici notre brave Tounéco, sonné, les quatre fers en l’air (mais ce n’est pas un cheval) sans réaction, en plein soleil, perdu loin de tout, insconcient !

La présence de cette petite levée de terre qui aura fait bien du mal à Tounéco, à son orgueil surtout, n’est pas là par hasard. Lorsque la mare tampon, là-haut, vient à déborder si l’orage est trop fort, l’excès d’eau va être dévié en partie au niveau de ce  » merlon « , une  » banquette de terre  » pour éviter un ruissellement trop agressif pour la prairie. Ralentie, nettoyée, une partie de l’eau peut alors être dirigée vers le chemin sans risquer d’arracher le revêtement de celui-ci ou créer des dégâts dans sa pente goudronnée, en prenant de la vitesse. Le chemin de Valaine est classé inondable.

Un chatouillement et un souffle le tirent de sa torpeur. Des yeux ronds et rieurs, des longues moustaches, un pelage doux et soyeux, de petites dents qui n’arrêtent pas de grignoter la tige d’une pâquerette ramènent Tounéco à la vie. « Bonjour »

A suivre…