ETRETAT. Après sa conception, Tounéco vient de naître, toujours « cerné » par l’eau, indispensable.
Une porte s’ouvre, une lumière intense envahit l’endroit, la paille se fait plus jaune, un air plus frais lui parvient. Quelques bousculades, quelques bêlements, et toute la petite troupe de chèvreaux jaillit au milieu des mamans. En route pour les pâtures ! On dirait des enfants bondissant vers la cour de récréation.
Tounéco prend la tête de la petite troupe, rabroué par maman qui le rappelle à l’ordre, mais il n’obéit pas ! Trop drôle, cette nuée de petites sauterelles surgissant de chaque touffe d’herbe, trop drôle ces pollens et ces étamines qui s’en décrochent dans un nuage éphémère, trop drôle aussi ces myriades de petits insectes qui semblent jouer au « banc de poissons » tout autour de lui, s’ouvrant, se refermant, s’allongeant et se remettant aussitôt en boule dans un concert de minuscules bourdonnements.
Longeant la haie qui borde la clôture, il secoue les pattes : çà mouille ! L’ombre y a sauvé la rosée du matin, de petites perles telles des boules de Noël, décorent les fines feuilles des herbes qui l’entourent : la fléole des prés avec ses épillets dressés en cylindre et la fétuque élevée, aux feuilles larges et coriaces. Mais le plus drôle, c’est de voir ces petites perles de rosée rouler sur le trèfle blanc, semblant jouer au toboggan sans jamais toucher la plante.
A vouloir observer cela de trop près, Tounéco s’en décore le bout du nez et repart après un bref éternuement vers ses petits amis caprins. La truffe plus humide, il comprend qu’il vient de découvrir « encore » de l’eau, ne suspectant pas un instant que les insectes, l’herbe et même leur pollen en contiennent.
Les mamans sont étalées dans la pâture, le nez plongé dans l’herbe et un bruit régulier de crissement parvient à notre ami chevreau : les plantes abandonnent une partie de leur feuillage aux bouches gourmandes des chèvres sous les coups de leurs fines mais puissantes mâchoires et de leurs dents coupantes. L’herbe, poussant sur un milieu riche et naturel, va se régénérer en quelques jours sans problème mais les chèvres ingèrent ainsi les protéines végétales indispensables à leur vie d’herbivore et à leur production. Cette herbe contient au minimum 90% d’eau suivant les espèces, richesse toutefois bien insuffisante aux besoins en eau de la chèvre : jusqu’à 10 litres par jour !
Encore un ou deux cabrioles au milieu des ses compagnons de naissance, et Tounéco affamé, se dirige vers sa maman qui l’interpelle : manger et boire à la fois, la mamelle de sa mère lui apporte tout le réconfort et la nourriture souhaités. Il note toutefois que ce liquide n’est plus aussi onctueux qu’aux premiers instants de sa vie, cette première gorgée de … colostrum si complexe. Déjà, ce » nectar » fait place à un aliment plus fluide dont la proportion en eau restera à 87% tout en lui apportant maitenant lipides, lactose, nutriments et vitamines indispensables à sa croissance.
La patronne tape dans ses mains » fin de la récré » ! Avec leurs mamelles rebondies, les mères reviennent vers la stabulation entourées de leur progéniture qui gambade autour d’elles.
A suivre…