ETRETAT. Blotti pour la nuit sous un bateau typique d’Etretat, Tounéco s’éveille » à la mer « .
Pendant la nuit, les vagues s’étaient faites plus lointaines. Dans le petit matin, le ciel prend des allures rougeoyantes et le soleil, venant du fond de la vallée, darde le ciel et ses nuages roses, légers. Nonchalamment, Tounéco sort la tête d’entre ses pattes et contemple le paysage… Quand soudain : Alerte ! On a pris la mer !
Hier soir vers minuit, elle était là, tout contre le Perrey, mais ce matin, dans la lumière blafarde, c’est à peine s’il l’entraperçoit briller, là-bas, au fond de la baie. Blotti vers le chantier naval, il découvre les parcs à huitres et une étendue sans galet, le platier rocheux.
On vient, un bruit sourd sur le sol, des claquements de caoutchouc, le glissement d’une fermeture éclair, une silhouette s’éloigne, loin, là-bas, à la rencontre de la mer. Un lampadaire comme point de ralliement sur le Perrey des Manants, trois dames d’un âge certain s’encouragent avant de laisser choir leur peignoir de bain et de se diriger plus à droite vers le galet à la rencontre des vagues encore plus lointaines. Des odeurs de café et de croissants dévalent d’un restaurant proche, des portières claquent, quelques bises aussi, des mains se serrent, des voix s’élèvent. On dirait que tout ce petit monde vient constater les dégâts : la mer n’est plus là !
» En vrai, tout le monde s’en fout » se dit Tounéco, » tous ces gens semblent obéir à des rituels, peut-être magiques, en attendant la mer ? » Godot n’était pas disponible ce dimanche-là. De fait, sous l’action des forces célestes, les planètes en l’occurrence, la mer daigne revenir peu à peu, créant sur la gauche de la plage de puissants rouleaux que la silhouette en caoutchouc dompte sans hésitation sur sa planche de surf. Les dames reviennent aussi de l’eau, nageant et discutant puis, une fois la berge atteinte, récupèrent leur peignoir de bain, retirant leur bonnet qui libère des boucles argentées. Quelques sourires, on s’embrasse en se disant à demain. Déjà les premières planches à voile s’égaillent devant Tounéco, les petits voiliers du club sont » armés » pour la grande traversée, des kayaks de mer filent vers l’Arche et les premières familles s’installent sur le galet avec sièges et couvertures. Ce dimanche ensoleillé sera un grand jour. On tire les repas du sac, midi approche, un canot » l’ Etoile » chargé de promesses s’échoue proposant sa pêche miraculeuse d’araignées de mer, de poissons argentés et brillants que des mains expertes écaillent, les préparant pour le repas.
Ca bouge ! Tounéco n’est plus à l’abri dans sa cachette. De puissants bras viennent arracher une partie de son refuge près de la Caïque : le plongeoir. Les gens de Patrimer s’affairent, fiers de leur » bébé « , et mettent à l’eau leur récréation, ce plongeoir qui fût d’un grand usage lors des années folles, thème de nombreuses cartes postales d’antan et de peintures inoubliables.
L’eau, l’eau de mer est ici prétexte à tout : baignades, jeux, sports, travail, elle est l’âme de ce village, sa raison d’être, définitivement liée aux majestueuses falaises, les Portes d’ Etretat, toujours ouvertes. Des enfants courent dans l’eau, on s’éclabousse, Tounéco affamé prélève quelques restes de goûter abandonnés près des sacs de plage. Vers 18 heures, le calme revient, comme un ordre donné par un dieu des mers, et la mer, obéissant aussi, re retire à nouveau.
Tounéco n’a pas vu passer cette journée, il en sait beaucoup plus sur les hommes et leur relation à l’ eau d’ Etretat. Il aspire à plus de calme, et là-bas au bout du perrey une porte grande ouverte l’aspire aussi, vers de nouvelles aventures : Demain est un autre jour !
A suivre…