ETRETAT. Tounéco, cerné par l’eau, découvre une vie de liberté qui l’appelle à prendre « le large » !
Comment un petit trou dans un grillage peut-il être une porte sur un Nouveau Monde ?
Pour Tounéco, la question ne se pose pas. A chaque sortie en pâture, il s’y faufile pour en voir plus, en savoir plus. Son escapade d’aujourd’hui l’entraîne plus bas dans le clos masure. Le ciel bleu chargé de beaux nuages blancs se réflète près du Colombier.
Il approche, découvre un autre chevreau qui le regarde » par dessous » fixement. Il approche encore, mais l’image se trouble, en ondulation régulière. Il agite son museau trempé pour voir apparaître le chevreau. Impossible de s’en approcher sans le faire disparaître. S’armantde courage, il décide de sauter vers lui pour le toucher… et le voici pataugeant frénétiquement dans la mare où il n’a pas pied (enfin patte, quoi). Il se hisse hors de l’eau par une branche de lierre qui sera sa planche de salut, mais on ne l’y reprendra plus ! « Alors, voici comment on stocke l’eau, ici, tout en haut des falaises ? En utilisant la technique des mares capillaires ! » Si elles peuvent se remplir par la surface lorsqu’il pleut, c’est surtout parce qu’elles sont adossées à une veine d’argile naturelle ou artificielle qu’elles se remplissent. L’eau contenue dans la terre limoneuse vient s’y stocker naturellement assurant sa concentration, et lorsqu’il fait sec, l’eau repart en partie vers cette même terre, lentement, assurant la pousse de l’herbe fraîche, friande d’eau. Le cycle est bouclé mais les humains ont ainsi pu garder d’importantes réserves d’eau pour leurs besoins et ceux du bétail, technique ingénieuse venue des temps anciens et devenue une » institution » des Romains en Normandie voici 2000 ans.
Pas le temps de chercher à tout comprendre, Tounéco se glisse vers une partie boisée bien appétissante qui ceinture les bâtiments : le brise-vent. Ici, dans ce lieu ombragé, une végétation quasi luxuriante s’ offre à sa gourmandise : sureau, ronces à mûres et châtaignier, un festin, ont fait table ouverte aux gourmands de son genre. Il avance, toujours à l’ombre, dans ce « buffet » somptueux, ballottant de la queue et grignotant des dents (bis), n’hésitant pas à parfaire son repas de jeunes pousses de chèvrefeuille odorant. Il sent sous ses pattes l’humus frais et humide gorgé d’eau du sous bois, substrat favorisant la vie des nombreux insectes mais aussi des lombrics, ces grands vers de terre à qui la vie sous toutes ses formes doit tant. digérant sans cesse la matière organique du sol, ils en assurent la valorisation et donc la fertilisation qui permettra la renaissance permanente de la vie, végétale et animale. De sa place, il voit de nombreuses voitures qui s’engagent dans le chemin en contre bas pour Valaine, on y donne « Retour aux sources » une pièce de théâtre sur l’eau et son lien particulier à la vie.
Tounéco s’arrête brusquement ! Une ombre vient de fondre sur lui. Une ombre seulement par cette belle journée ensoleillée, celle d’un faucon pèlerin surveillant son territoire. Plus de peur que de mal, mais , ayant levé la tête, notre ami découvre un panorama merveilleux, s’ouvrant sur une valleuse et au fond, là-bas, une immense tâche bleue. Il découvrira plus tard que c’est encore et toujours de l’eau : la mer à Etretat ! C’est sûr, s’il avait la mer à montrer à un ami, c’est à Etretat qu’il le ferait.
Des cris, on tape dans les mains, on appelle, mais trop tard, déjà les ombres s’allongent, les bruits s’éloignent, le soir est là. Impossible de retrouver son chemin. Le voici pris au piège de la nuit, seul pour la première fois, loin de tout, loin de tous, il va falloir se battre pour aller plus loin dans son aventure. N’écoutant que son instinct, Tounéco se glisse à l’orée de la langue boiséeet, trouvant refuge sous un tronc d’arbre abattu par une tempête, s’endort profondément.
A suivre…