ETRETAT. Lors de la commémoration du centenaire de l’Armistice, les enfants, chaînon de la mémoire, ont été mis à l’honneur.
Les cérémonies du 11 novembre ont débuté dans le canton de Criquetot-l’Esneval par une messe du souvenir célébrée par l’abbé Roquigny en l’église d’Anglesqueville. Pour les étretatais, les cérémonies se sont poursuivies place Monseigneur Thomas Lemonnier où André Baillard, président des Anciens Combattants, a choisi de sensibiliser la jeunesse « indispensable chaînon dans la mémoire »
A noter dès le mois de juin, André Baillard, président de l’association la Vassoigne, avait multiplié les initiatives à l’adresse des élèves de CM1 et CM2 du village, les invitant notamment à une visite de l’exposition « Nos grands-pères, ces héros » organisée en juin et juillet dernier. Début novembre, chaque parent d’élève a reçu une lettre personnelle du président de la Vassoigne et des Anciens Combattants, les invitant à accompagner leur enfant aux cérémonies du 11 novembre. Une quinzaine d’entre eux a répondu à l’appel. « Vous étiez jusqu’à présent le chaînon manquant des commémorations. Aujourd’hui, vous êtes là et désormais vous allez pouvoir assurer la continuité historique. Grâce à vous, nous pouvons parler à juste titre de mémoire ». Sur un ton plus personnel, André Baillard a ajouté « Aujourd’hui, je veux déclarer la guerre à la guerre et je vous demande de choisir l’amour contre la haine. Cet exercice commence dès l’école : vos camarades, vos voisins, vous devez tous les traiter en amis. Ce que l’on raconte sur les harcèlements à l’école, c’est déjà la guerre ».
Au cimetière britannique
Premier rendez-vous, le cimetière britannique (terre anglaise en France où reposent 547 soldats du Commonwealth). Enfants, parents, élus locaux, anciens combattants, porte-drapeaux, sapeurs-pompiers ont écouté Rose (10 ans), énumérer le terrible bilan humain de la grande guerre : nombre total de mobilisés : 73 millions ! Français, Britanniques, Belges, Serbes, Austro-hongrois, Russes mais aussi Allemands et autres nations… Nombre de tués : 18 millions pour moitié soldats sur le front, pour l’autre moitié, femmes, enfants, personnes âgées, des villes et des villages dévastés… Précédés par les jeunes stagiaires sapeurs-pompiers « soldats du feu » précise le président, les enfants ont déposé une gerbe du souvenir au pied du monument aux morts britanniques et observé un temps de recueillement. Le cortège s’est ensuite retrouvé au monument français où Catherine Millet, maire, a transmis la lettre du secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants. Puis Sophie Chegaray, membre de l’association de Vassoigne, a lu l’histoire terrible, mais admirable, du fort de Vaux où le commandant Raynal et ses hommes se sont battus jusqu’aux dernières limites du possible. A 11 heures précises, comme dans les 36 500 communes de France, les cloches de l’église Notre-Dame ont rententi joyeusement pendant onze minutes. Moment vibrant pour tous, puisqu’il dépassait largement les limites communales et voulait célébrer l’unité nationale.
Dernière étape mémorielle
La commémoration s’est poursuivie place Foch où André Baillard a tenu à rappeler la réalité contemporaine. « On avait cru que la guerre 14-18 serait la der des der. Mais le Congrès de Versailles, par son excessive dureté à l’égard des allemands, portait tous les germes de la guerre 39 – 45. La vérité, c’est que la France, depuis 1962, n’a cessé d’être en guerre à l’extérieur, certes, mais dans des conflits meurtriers : au Tchad, au Liban, dans le Golfe, en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan, en Irak, en Lybie, en Syrie, au Mali, en Centre-Afrique, au Sahel… L’Europe se veut pacifiste, mais le monde est en guerre ». Dans cette dernière étape mémorielle, c’est encore aux enfants d’Etretat que la parole a été confiée. « Pourquoi une tombe sous l’Arc de Triomphe pour un soldat inconnu ? » a interrogé la jeune Aurore. « Pour les 300 000 soldats français disparus, dont les corps n’ont jamais été retrouvés » lui a répondu son aînée, Océane. La cérémonie s’est achevée par la lecture, par Jade, du poème d’Arthur Rimbaud « Le Dormeur du val » avant que les enfants ne déposent une gerbe, cette fois à la mémoire des soldats américains morts pour la France. La petite troupe s’est retrouvée à la mairie pour le verre de l’amitié. A cette occasion, les enfants se sont vus remettre le dernier numéro de la revue « Le Petit Vassoigne » dans laquelle ils figurent en bonne place. André Baillard leur a donné rendez-vous le 8 mai 2019 pour participer aux commémorations, cette fois, pour l’armistice de la guerre 1939-1945, évoquant au passage la mémoire d’une femme, Madeleine Vernet, qui a déployé toute son énergie pour recueillir les petits orphelins de la grande guerre : 15 000 à travers la France, plus de 500 à Etretat. De son côté, Mme Metzger a tenu à rappeler le dur destin des marins réquisitionnés dont un étretatais, Emile Vatinel, mort en mer, son bateau ravitailleur « La Marie-Blanche » ayant été torpillé par la marine de guerre allemande.
Une belle cérémonie, riche de sens et une invitation à poursuivre plus avant dans ce mélange générationnel qui constitue l’épaisseur d’une nation puis, en mairie, tous ont chanté la Marseillaise avant de lever le verre de l’amitié. Catherine Millet a remercié tous les participants à ces manifestations qui clôturaient les célébrations du centenaire de cette Grande Guerre et la ville d’Etretat qui s’est retrouvée soudée autour de cette mémoire. A l’initiative de ces manifestations de mémoire avec les enfants à Etretat, l’association de Vassoigne affiliée à la Fédération Nationale des anciens d’Outre-Mer et Anciens combattants des Troupes de Marine, l’association des Anciens Combattants d’Etretat, 402ème section de l’Union Nationale des Combattants de Seine-Maritime (UNC-76) avec l’appui de la directrice des écoles d’Etretat et les parents d’élèves. « Nous remercions tous les participants et souhaitons encore plus d’enfants et parents pour les prochaines journées de mémoire à Etretat le 8 mai 2019, quand nous célébrerons Charles Nungesser et François Coli et la fin de la Seconde Guerre Mondiale 1939-1945. Rien n’est plus fort que les liens intergénérationnels pour faire avancer les choses. Les enfants aussi ont des idées, il faut les écouter. Mais nous avons un savoir et une histoire à leur communiquer et à leur faire admettre « Nos racines ». Les racines sont notre attachement à nos valeurs, nos us et coutumes, notre mémoire du fil des siècles. »